La Chikssé

Le Rav Chani rapporte son témoignage.

Lors de l'hiver 1993, deux femmes se présentèrent à mon bureau. Je connaissais l'une d'elle. La seconde, plus jeune (dans la quarantaine), m'était étrangère. C'est elle que je devais aider. Elle me raconta son histoire : "Elle naquit de parents âgés dans le quartier de Williamsbourg, qui se trouve à Brooklyn, New York. Lorsque son père apprit la naissance de sa fille, il s'écria "la chikssé est arrivée". Toute la famille décida que cette petite fille sera haïe et détestée. Elle vécut cette haine quotidiennement. A l'âge de 6 ans, ses parents l'obligèrent à laver la vaisselle de toute la famille, si nombreuse. Les nuits de Chabbat, elle devait rester éveillée, à cet âge si jeune, pour laver les casseroles et les couverts de la famille et des invités. A 10 ans, son père lui dit que toute sa famille la détestait, et qu'il n'était pas prêt à ce qu'elle mange gratuitement chez lui. Elle devait payer ses propres frais ! Chaque jour après l'école, elle devait passer dans plusieurs maisons, d'après une liste qui lui avait été auparavant dressée, et laver la vaisselle ou les tapis, ou encore surveiller les enfants. L'argent qu'elle percevait, était directement donné à ses autres frères et sœurs, devant elle, pour s'acheter des bonbons et autres sucreries. A ce spectacle, sa détresse était sans bornes. Approchant ses 18 ans, son père l'appela : "Tu sais que nous tous te haïssons. Je t'ai gardé à la maison seulement pour ne pas que tu te retrouves à la rue et que tu prennes un mauvais chemin. Grâce à D'…, tu as grandi et j'ai décidé de te renvoyer de chez moi pour toujours. Pour ne pas que tu tombes entre de mauvaises mains, je t'ai trouvé un mari, saoul. Dans deux semaines tu te maries. J'ai épargné une partie de l'argent que tu percevais de tes travaux, et je t'ai loué un appartement pour quelques mois. De la Houppa , rentres chez toi de suite. Tu sais bien travailler et te débrouiller seule. Occupes toi de ton mari et de ta maison. Chalom et à jamais !" Elle se réjouit de cette nouvelle, car enfin, elle allait quitter cette maison qui la détestait tant. Elle se fichait de savoir qui était son mari et où se trouvait cette maison ! Elle rencontra son mari pour la première fois sous la H'ouppa, qui ne prit que quelques minutes, alors qu'elle n'était vêtue que d'une simple robe de semaine, en présence d'un Minyan , d'une bouteille de vin et d'un gâteau. Après la H'ouppa, elle partit avec son mari à son nouveau domicile, non sans qu'auparavant, son père lui rappelle de ne jamais plus les contacter. Toute confiante, elle investit son domicile aux côtés de son mari. La journée se déroulait de la façon suivante : Son Honneur se levait du lit vers midi, ouvrait le frigidaire et engloutissait tout ce qui s'y trouvait, attendant sans rien faire, que sa femme rentre du travail, la frappait alors. Elle lui donnait quelques dollars pour qu'il s'en aille se saouler au bar le plus proche. Il revenait alors vers les minuits, la frappait et la violentait, jusqu'à arriver à ses fins, qu'elle soit en état de pureté ou d'impureté… Il ne se souciait guère des règles de pureté familiale … Puis dormait jusqu'au lendemain. C'est ainsi qu'elle vivait la semaine, ainsi que le Chabbat. Ce jour là, elle arrivait plus tôt de la synagogue, et bien que respectant Chabbat, elle lui donnait de l'argent pour qu'il parte et la laisse un moment tranquille. Au bout de d'un mois, elle tomba enceinte, puis accoucha d'un garçon. Mais la situation à la maison ne s'améliora pas. Deux mois plus tard, elle retomba enceinte, et décida de quitter la maison et le quartier. La situation était insupportable. Elle loua un appartement dans Borrow Park, et se tourna vers l'assistante sociale pour ce sortir de ce drame. Au bout de quelques mois, le tribunal américain lui donna le divorce civil, ainsi que la garde de l'enfant et du bébé à naître. Il était interdit à son mari de s'approcher de la maison. Cependant, un soir, celui-ci tapa à la porte, très calme. Elle se précipita pour appeler la police. Il l'en dissuada. Il n'y avait pas de raison. "Je voulais te dire que d'après la Torah d'Israël, tu es toujours mariée, et que ma douce vengeance est de te laisser Agouna . " Puis il partit."

Elle me dit "Rav, cela fait tellement longtemps que je suis la femme de cet homme alors que je me trouve seule. Mais ce n'est pas là le pire de mon histoire". Elle continua son récit : Elle mit au monde une fille et éleva ses enfants, seule, coupée de toute famille, la sienne et celle de son mari. Elle travailla dur pour les élever dans l'amour et le sacrifice de soi. Les enfants lui rendirent la chaleur et l'amour cicatrisant les blessures qui lui avaient été infligées jusque là. Alors que le garçon eut 12 ans et la fille 11, réapparut un jour, son père. "Bien que je ne te considère toujours pas comme, ma fille, tes enfants sont mes petits-enfants, et je vais les prendre pour les élever." Elle refusa évidemment. Ne pouvant les prendre de force, il s'acharna à les amadouer, à les monter contre leur mère. "Je ne leur veux que du bien ! Qu'ils aient des grands-parents, des oncles, des tantes. Je les prendrais avec moi Chabbat pour leur enseigner les Mistvote, chose que tu ne peux faire toute seule." Elle réfléchit et se dit, en ne pensant qu'au bonheur de ses enfants, que ce serait bon pour eux.

"Si vous voulez, vous irez chez Papi et Mami ce Chabbat. Si vous êtes contents, vous pourrez y aller tous les Chabbat".

Les enfants trouvèrent une grande famille, beaucoup de chaleur et de cadeaux. C'est ainsi que commença l'éducation pernicieuse du grand-père et de la famille, contre la mère des deux enfants. Le veille de Pessah', le grand-père prit ses deux petits-enfants. Mais la mère s'opposa, ne voulant pas passer les deux soirs du Seder seule, comme une rejetée, une misérable. Les enfants se mirent à pleurer; qu'ils voulaient suivre leur grand-père. L'amour de la mère pour ses enfants l'emporta. Elle céda et les laissa partir. Elle se retrouva seule, pleurant de solitude. Elle décida de partir à la maison de ses parents, et de se joindre à ses enfants. Qui vivra verra !!

Elle entra chez ses parents. Soudain apparût sa belle-sœur :

"Tu es là ?"

Elle la poussa vers l'extérieur, et dégringola tous les escaliers. Elle s'était cassée une jambe. Des voisins, de bons juifs, vinrent l'aider et la conduirent à l'hôpital Manhattan. Elle y resta durant toute la Fête de Pessah et la semaine qui suivit. Pendant tout ce temps, les enfants se trouvaient chez les grands-parents. Lorsqu'elle sortit de l'hôpital, ses enfants lui furent rendus et la vie continua comme auparavant.

En Eté, elle déboursa prés de 10000 dollars pour que ses enfants rejoignent une des meilleures colonies juives. Deux jours par semaines elle partait les visiter aux camps de vacances. Une des semaines, alors qu'elle arriva au camps de son fils, elle ne le trouva pas. Le directeur expliqua que cela faisait déjà trois jours que l'oncle était venu prendre le garçon pour une demi-heure, mais ne l'avait pas ramené. Sachant qu'il était entre de bonnes mains, le directeur ne crut pas nécessaire d'avertir la mère. Idem dans les camps de sa fille, qui fut prise par sa tante.

La mère partit, conduisant à toute allure, désespérée, et arriva au domicile de son frère. Elle tapa à la porte d'entrée, pleurant et criant "Yitsh'ak, où sont-ils ? Où sont mes enfants ?"

Son frère ouvrit la fenêtre et dit "Madame, il y a d'autres endroits pour pleurer. Allez au Kotel ou à la synagogue !" Puis il ferma la fenêtre.

De désespoir, elle se tourna vers le Rav de la Synagogue, qui lui dit d'attendre, il s'en occuperait. Le Rav téléphona le soir, lui conseilla d'appeler la police et de déposer une plainte, car sa famille ne voulait ni se présenter au Rav ni se présenter à un Din Torah .

Elle partit au poste de Police et déposa plainte. Elle devait attendre. On ne peut dépeindre la souffrance qu'elle endura durant cette période. On avait détruit tout son monde, en lui prenant ce qu'elle avait de plus cher, ses enfants.

La police la contacta et exigea qu'elle se présente au Tribunal des charges pénales, à la date indiquée. Elle trouva là-bas, les directeurs des camps de vacances, son père, sa mère et sa belle-sœur, tous menottes aux mains. Après le procès et son témoignage, le Juge ordonna d'emprisonner tous les accusés, jusqu'à ce qu'ils avouent où se trouvaient les enfants. Au bout de deux jours, le frère, Yitsh'ak, avoua qu'il avait emporté les enfants en Angleterre, dans des écoles orthodoxes très chères.

Le Juge édicta l'ordre d'aller chercher les enfants en Angleterre. Jusqu'à leur retour, les accusés resteraient en garde à vue.

La police permit à la mère de venir chercher ses enfants à l'aéroport. Elle ne put dormir cette nuit là, et prépara les plats que les enfants aimaient tant.

Enfin, les enfants reviennent à la maison !

Lorsque les enfants descendirent de l'avion, elle s'approcha d'eux pour les embrasser. Son fils la repoussa violemment :

"Chikssé, pourquoi nous as-tu fait revenir ? Nous étions dans un 5 étoiles ! Pour se retrouver dans ton appartement minable ? Ce n'est pas par amour que tu as fait ça, mais par égoïsme. Sinon tu nous aurais laissé en Angleterre et tu serais venue nous voir !"

La mère était abasourdie, brisée. Elle s"approcha de sa fille, qui se cacha alors derrière son frère. La mère comprit que sa belle-sœur les avait bien monté contre elle durant le voyage de retour.

Elle fit monter ses enfants dans la voiture puis partirent à la maison. Elle pensait qu'au bout de quelques temps, les esprits se calmeraient. Malheureusement, en arrivant au domicile, le garçon s'arrêta et dit à sa mère : "La loi nous contraint d'arriver jusque là. Mais nous ne rentrerons pas chez toi et nous ne mangerons pas de ta nourriture. Tu es chikssé et nous ne t'aimons pas."

La mère essaya de leur montrer tout l'amour et l'affection qu'elle avait pour ses enfants. Mais rien n'y fit. Ils restèrent dans cette situation quelques heures. Elle appela alors son père, afin qu'il apporte de quoi manger.

Il arriva en voiture, sourire aux lèvres :

"Je n'ai rien apporté à manger. Si les enfants veulent manger chez moi, qu'ils viennent. Je ne les kidnappe pas. Mais s'ils ne veulent pas partir de chez moi, je ne les pousserai pas à s'en aller. Ne téléphone pas, personne ne te répondrait !

Les enfants montèrent alors dans la voiture, tout joyeux. Ils ne téléphonèrent pas à leur mère. A chaque fois qu'elle essayait de téléphoner, ils lui raccrochaient au nez.

Elle partit à l'école pour les voir. Mais ils s'échappèrent comme s'ils avaient vu un serpent.

La mère continua de vivre, dégoûtée et désespérée, alors que sa vie n'en était pas une. Personne ne l'aidait, ni partageait sa douleur.

Seule.

Elle continua à prier Hachem, pour que ses enfants lui soient rendus. Un jour, alors qu'elle passait dans la treizième avenue de Borrow Park, elle rencontra une femme qu'elle connaissait et qui lui dit : "Vous savez que votre fils circoncit demain son fils ?"

La mère fut stupéfaite. Elle n'avait même pas su que son fils s'était marié ! La Brite Mila se déroulait le lendemain dans la synagogue Lee de Williamsburg. Elle prit son courage à deux mains et décida de s'y rendre. Sa belle-sœur l'aperçut et lui tira la perruque, jetant la mère dehors, avec l'aide de quelques amies. Elle vit de loin son fils et sa femme, porter le bébé vers la chaise de la Mila.

Lorsqu'elle finit de raconter son histoire, elle me regarda et s'adressa : "Rav, mes enfants sont mariés, je ne connais ni leur conjoints, ni leurs enfants. Je me serai avec joie suicidée, mais je sais que le suicidé ne mérite pas le Monde Futur. Je continue de vivre cette vie si insupportable. Ne peux-tu pas m'aider ?

Tout au long de ce récit, je restais en émois, pleurant. Je décidais de savoir qu'elle était la raison de ses malheurs.

Je trouvais que dans son ancien guilgoul, en Europe, elle s'enfuit de chez ses parents, pour se marier avec son voisin goy. Ses parents s'endeuillèrent en apprenant la nouvelle, et cessèrent tout contact avec elle. Elle était heureuse avec son goy, qui lui procurait tout l'amour qu'elle désirait. Elle donna naissance à un garçon et à une fille, qui étaient tous deux juifs. Elle les éleva comme des goyim et les amena même quelques fois à l'église. Elle quitta ce Monde heureuse, en souriant, entourée de sa famille.

Elle est revenue dans ce Monde pour réparer ce qu'elle a endommagé. Sa famille qui l'avait tant haïe, alors qu'elle était connue pour recevoir des invités et excellait dans la Mitsva de la Tsédaka et du H'essed , était revenue elle aussi en Guilgoul . La haine qu'ils avaient envers leur fille et sœur, était à la mesure de la souffrance et de la peine qu'endurèrent la famille dans l'autre vie, lorsque cette même fille partit avec son goy.

Le père actuel de cette femme avait prononcé le nom chikssé - goya, sans vraiment savoir pourquoi.

Telle sont les mesures de Jugement d'Hachem :

Elle est aujourd'hui seule, sans amour ni mari, alors qu'elle avait profité de l'amour de son goy. Elle ne peut élever ses enfants juifs, car dans l'autre vie, elle les avait élevé comme des goyim.

Elle devait réparer toute cette souffrance.

En entendant ces mots, elle se mit à sangloter : "N'y a t'il aucun espoir pour moi ?"

Je lui dis alors d'effectuer le Tikoun de celle qui a eu une relation avec un goy, chaque semaine durant une année entière, en dehors des Fêtes. En espérant qu'Hachem lui pardonne ses fautes.

Au bout de trois mois, alors qu'elle venait de réciter la bérah'a de Hamotsi , le téléphone sonna soudain :

"Maman, ma sœur et moi sommes désolés d'avoir coupé toute relation avec toi. Je viens réparer mon erreur." Elle tremblait d'émotion.

Quelques minutes passèrent et on frappa à la porte. C'était son fils, qui la prit dans ses bras et l'embrassa, lui demandant de lui pardonner. Il la conduisit en voiture jusqu'à son domicile, où l'attendaient sa femme mais aussi sa sœur et sa famille.

Le cercle se referma enfin, lorsqu'il fut fixé que la mère passerait un Chabbat chez son fils, et le suivant chez sa fille…

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

Ajouter un commentaire

Anti-spam