Le problème Zemmour
Pour une rare fois où un (futur) candidat à la présidentielle se distingue par sa judéité, il faudra passer outre son judaïsme.
Mettons les choses au clair. Non pas que la politique française m'intéresse particulièrement. Mais ce fait divers communautariste est tout de même épicé. Comment en arriver à ce qu'un juif d'origine algérienne, francisé malgré lui, intellectuellement assimilé, conséquence désastreuse d'une shoah spirituelle, évertuée par le consistoire d'avant-guerre et de l'Alliance progressiste, renie ses véritables origines ?
Se sentir plus français que juif n'est pas nouveau.
On ne labourera pas de nouveau l'historique prosélytique du diktat des cérébraux connus, pour remettre en question notre Tradition, à commencer par la contre-théologie d'un Spinoza abruti par ses lectures judéo-chrétiennes. Spinoza, qui fut le précurseur de la laïcité et de l'exégèse biblique. Soit, remettre en question l'identité collective, pour mieux s'affranchir des contraintes sociales et culturelles individuelles.
Encore fallait-il, cher monsieur Zemmour, être à la pointe de la connaissance de votre propre Tradition, que vous avez, comme tant d'autre juifs berbères, renié, par simple ignorance.
Vous avez enlacé, comme beaucoup, la propagande du verbe latin, en effaçant la mémoire ancestrale, à vos yeux, si usée et dérisoire, propre à la mauvaise foi de l'assimilé libre-penseur. Tâche si facile de se délester d'un poids millénaire, pour un petit pied-noir. Ah, si vous aviez mis votre intellect au service des connaissance thoraïques ! Remarquez, il n'est jamais trop tard …
Si vous pensez que votre sens aiguisé de la critique et votre extrémisme discouru est le fait d'un parcours universitaire ou journalistique, vous vous trompez. Juif constantinois, vous ne savez guère d'où vous venez. En la ville de Constantine (et son département), se trouvaient deux sortes de juifs : le h'lou, majorité écrasante, qui défiait l'anisette et la tfina, mais qui semblait prosaïquement se délecter d'un rapport de gentillesse et de facétie. Et l'autre : le juif berbère, dont vous revendiquez l'appartenance, révolté, acerbement critique envers la vie en général, pointu dans sa férocité justicière, et surtout, ferme dans des convictions préétablies. En l'absence totale de judaïsme originel, vous avez été omis de la charte du Talmud et des écrits, dont, sans aucun doute, vous y auriez brillé, mais sans ce tourbillon médiatique qui étouffe votre appartenance juive et étoffe votre identité romanesque. Evidemment, les écoles juives et les représentants du consistoire, ont fait ce qu'ils pouvaient. Une éducation religieuse délavée, empreinte d'un civisme de réussite sociale. Cursus connu et reconnu des juifs d'exil. Vous avez grandi avec ce que vous aviez sous la main. Et l'époque y était pour beaucoup.
Cependant, votre culture personnelle a été tant ravagé d'incompréhensions. A commencer par l'air maussade de la banlieue, emprunt tout de même d'une théorie complotiste du respect de la tradition culinaire.
Vous n'êtes pas resté ce juif algérien, emprunt du couscous vendredidesque. Vous avez préféré les lardons aux petits oignons du Dimanche matin. Chacun ses goûts me diriez-vous.
Pour faire cours, vous prônez la laïcité, la reconnaissance de la culture française, en fait, ce qui se doit d'être dans un pays aux frontières claires et à l'autonomie républicaine. Certes, vous auriez pu avoir raison, si vous étiez un français de souche. Mais ce n'est pas le cas.
Une seule affirmation démentira ce que vous n'êtes pas : un bon petit juif parisien.
Mr Éric (Justin Léon, il fallait oser) Zemmour, juif d'origine berbère, pro-laïc, émancipé, assimilé, francisé (ou plutôt, camemberisé), n'êtes-vous pas coupable de communautarisme ? Croyez-vous vraiment que l'en nommant les enfants de noms chrétiens, qui souvent ont été porté par des extrémistes religieux sanguinaires du moyen-âge, accusant un nombre important de victimes juives, on se rende quitte du renouveau National français ?
Si tel n'est pas le cas, pourquoi avoir épousé une juive et non une française de souche, si ce n'est pour préserver une judaïcité religieuse ? Et épargnez-nous, le respect intra-millénaire de la promesse parentale ou de l'appartenance culturelle.
Bref, vous faites partie de cette génération ravagée d'incompréhensions théosophiques, d'ignorance cultuelle, et de mépris culturel.
Votre mal-être s'est concentré sur des sujets fertiles, et vous vous embourbez dans l'extase polémique d'une plaidoirie qui ne sera jamais vôtre. En essayant de gommer votre appartenance au Peuple juif, ses racines, et son avenir, qui n'est évidemment pas en France, vous intentez à votre vie. Si ce n'est votre propre conscience, la conscience des autres vous rappellera un jour où l'autre ce que vous n'êtes pas, et surtout, qui vous auriez dû être.
Ce petit texte restera malheureusement sur ce site, de par la nonchalance des lecteurs, abusés par un Monde qui a perdu le sens commun et la liberté d'esprit, dicté par la souris et le clavier. Dommage.