La Tsnioute – la Pudeur.
Par Abraham Zitoun
La parole.
Au savoir de tous, la Tsnioute, à traduire par pudeur, est une des idées importantes du judaïsme. Elle accompagne les faits et gestes de toute une nation, de Abraham Avinou jusqu'à notre époque. Elle est déjà présente dans la Paracha Béréchite. Cependant, la pudeur s'est formulée par son côté morale et surtout vestimentaire. L'aspect linguistique a été omis à travers les générations mais heureusement sauvé par les mesures halachiques de nos Maîtres. C'est cette facette que nous allons découvrir, et par cela, pouvoir rétablir une conduite adéquate pour parvenir au but : parler à autrui décemment et donc pouvoir parler à Hachem de manière libre mais juste. Il est de surcroît important de souligner que l'utilisation pudique de la parole, est signe de bonne santé dans le couple et envers les enfants, et se trouve à même de gérer les conflits et de ramener un apaisement au sein de l'univers de l'individu. Avant tout, la parole doit être mesurée, claire et libre. Ainsi nous indique le Tana dans Pirké Avote : "parles peu et agis beaucoup". C'est une règle d'or à respecter pour ne pas manquer à des engagements inutiles qu'on aurait pu éviter, à de vains scandales et surtout en ce qui concerne, la nature des langues, de profiter d'autrui.
Rabbi Nachman de Breslev nous enseigne que l'anglais est une langue de voleurs. Ce n'est pas fortuit que les langues anglo-saxonnes soient porteuses du commerce mondial. En ce qui concerne le français, la langue de la rhétorique par excellence, elle représente le libidineux et le prostitué de la parole. Il n'existe pas une langue au Monde qui puise sa source dans la philosophie et la littérature et qui soit un support de h'emda, de convoitise et de désire, telle que le français. Déjà le H'ida, lors de sa venue à Paris au 18é siécle-, qualifia Paris de ville de prostitution. Quant à l'allemand, c'est une langue rigide et barbare, qui désigne l'ordre, la crainte, la peur et l'agression. Tandis que chaque langue est une forme d'expression nationale, la Torah est présente pour redresser les tords de chacun, quelque soit sa demeure et son langage.
Il est à noter que se refermer sur soi-même, est un signe de déficience communicative. On ne parle pas à Hachem, d'autant plus à l'autre. De même, il est toujours possible de parler peu, mais tout aussi mal. Grossièreté et familiarité obligent. Enfin, nous n'apprendrons rien de neuf, à ajouter que le terroir familial, l'éducation, l'école et la société dans laquelle évolue l'individu, sont aux nombres des effets indésirables. Couper les ponts ?
La Téchouva commence par soi. Cependant, un juif qui évolue dans une société x, et qui n'a pas les reins solides, se fera avaler par cette dernière, tel Yona par le poisson.
La Tsnioute de la parole est bâtie sur 3 piliers :
1. la taharate hapé (pureté de l"expression linguistique) / nivoule pé (grossièreté)
2. les bérah'ote / kelalote
3. la gentillesse / le sarcasme et l'amertume
A retenir : la mode du Lachone Hara n'est qu'une excuse. On ne peut indéfiniment interdire au lieu de permettre. Cela provoque des frustration. Le langage n'est plus utilisé, mais la pensée de la faute est toujours présente. Un pauvre qui tend sa main gauche à place de la main droite, reste toujours pauvre. Au lieu de s'évertuer à ne pas dire du mal, on ferait mieux d'essayer de dire du bien ... pour changer.
1. l'utilisation sainte de la parole.
Théoriquement, on ne pourrait sanctifier son dibour, que par un passage obligatoire d'une Téchouva importante. Effectivement, pour parler bien (dans le sens pudique du terme, et non linguistique ou syntaxique) et élever la sainteté de son dibour, il faudrait rectifier avant tout les notions et les idées employées. L'intimité conjugale remplacerait le terme sexualité, qui fait référence à l'accouplement animal ou humain, alors que l'intimité conjugale ne retient que le mode marital. Et cela vient de soi, puisque toute relation "intime" en dehors du mariage est interdite. Or dans le mariage, on doit atteindre l'objectif de connaître son compagnon, de se lier à lui a travers la connaissance, et donc le véritable amour qui se traduit par le lien physique, mais qui est l'ultime traduction de la relation conjugale : la connaissance de l'autre. En terme simple, la halacha édicte au couple juif de se connaître dans la sainteté. Celle-ci est régie par un code simple mais efficace, le respect de l'autre, et la réalisation de son désir par la compréhension et la gentillesse. Ainsi lorsqu'une femme veut connaître son époux, ce n'est pas en lui disant grossièrement ou vulgairement, voir détaché de tout symbole émotionnel, qu'elle le veut. Mais avec affection et pudeur. En lui signifiant, par divers gestes ou paroles, douces et remplies de crainte d'Hachem. Car c'est une mitsva, ne l'oublions pas, de réjouir sa femme. L'épouse en se parant, en se faisant plus belle que d'habitude, plus voilée, signifie à son mari, son attente. Ce n'est pas de la séduction, qui se tient plus généralement chez les animaux avant l'accouplement. Dans le contexte du mariage juif, ce ne sont pas les tabous qui gênent la relation, ou l'ordinaire qui le vulgarise. C'est le rapprochement vers l'autre pour accéder ensemble vers l'unité d'Hachem, et ne faire qu'une seule chair. Dans un sujet aussi sensible que les relations conjugales, Hachem nous renvoie ni au côté bestial, ni à celui intellectualisé. Non, c'est autre chose. Moins définissable. C'est en fait garder l'alliance de la bouche, pour garder celle de la Mila. Car on le sait, celui qui faute par la parole, tend à fauter par son Brite. Ainsi le Lachone Hara est l'instrument pour réparer le Brite Hara. et non pas s'arrêter qu'à la parole.
Nous venons de voir comment il est possible de rattacher son dibour, à Hachem, et ceci, dans le cadre complexe et sensible de la relation conjugale, sans rentrer dans la vie du couple en général.
Dans un contexte plus élargi, socialement parlant, on doit éviter le nivoul pé, vulgarité et autres grossièretés, définies et acceptées par le Monde environnant, ce qui n'est pas une référence, puisque la Torah est envers et contre toutes les cultures. Abraham était seul devant toutes les autres nations qui prêchaient le mensonge bien établi, la corruption et l'idolâtrie. Le Don de la Torah nous a coupé de la culture de l'autre, de l'étranger, car d'origine divine, donc parfaite. D'où la sentence de ne pas marcher dans les lois des autres peuples. Ni leurs lois, ni leurs coutumes.
Ce n'est que lorsque le juif dépasse la limite imposée par Hachem en fonction de la génération, qu'il nous est rappelé que nous sommes juifs et différents des nations du Monde. Ainsi, soit le juif disparaît, englouti par la masse populaire de ces nations et leur propagande du respect universel, utopique et hypocrite, soit cette propre nation lui impose un signe distinctif extérieur (puisque celui du Brite ne lui suffit plus), vestimentaire, telle que le chapeau allemand, la rouelle italienne, l'étoile jaune germanique ou la casquette française.
Cette différence doit être appliquée pour élever son langage et ne pas s'abaisser au grognement bestial utilisé dans nos sociétés pour s'exprimer. Mais ne perdons pas l'objectif. La vulgarité du langage apparaît être de la charognerie parolière, telle devrait être la traduction littérale du Nivoul pé, ou la charognerie de la bouche. Telle la viande névéla et interdite à la consommation, la bouche devient cadavérique et ne contient plus le souffle de sainteté. Ce laissé-allé linguistique, c'est le Yetser Hara qui l'utilise à notre encontre, nous laissant croire que telle grossièreté ou tel terme sec, socialement reconnu et accepté, est propre à la consommation. Il nous empêche de faire Téchouva. Or comment prier Hachem, s'adresser au Maître de tout, alors que notre bouche est sale ?
Celle qui nous représente est un déchet et nous nous enflammons dans une discussion rituelle avec Notre Créateur. N'en soit le H'essed (la Bonté) d'Hachem, aucune Téfila ne pourrait Lui être adressée. Mais même accompagnée de cette défection, de cette tare, Hachem nous écoute, car le Peuple d'Israel est celui qu'Il aime. En attendant que chacun d'entre nous rectifie sa langue, sans toutefois devenir un moine verbale ou une carpe muette…
2. Bénédictions / malédictions
Dans les termes français, apparaissent les mots bien et mal, faisant référence à la dualité du choix humain. Cependant, en hébreu, les notions sont biens différentes. La bérah'a (bénédiction) se lit aussi bé-rah'a (qui signifie tendrement, mollement), nous rappelant qu'une bénédiction est avant tout molle, dans le sens de flexible et doux. On ne peut vouloir du bien à autrui que si on le juge lékav zeh'oute, avec indulgence. La kélala, malédiction ou insulte, vient du terme kal, simple et léger. C'est de cette façon que l'on considère son prochain. Sans aucune attention ni respect. Et de ce désintéressement d'autrui, on obtient, par égoïsme accrue, de l'indifférence et de la haine. Tout ce qui nous pousse à rejeter la Bonté d'Hachem et à ne vivre que pour nous et par nous. L'humanisme dans sa splendeur, l'humain dans sa médiocrité. Les moins jeûnes pourront se souvenir de certaines parentés, disparues, dont les bouches ne contenaient que miel et douceur, louanges et bienfaits. Ya bni, que D'… t'aide. Qu'IL t'apporte telle ou telle chose. Dans la simplicité, les gens d'avant étaient plus à même d'être gentils et croyants. Il faut avant tout se conduire verbalement avec pudeur et dans ce cas, la pudeur, c'est la reconnaissance d'Hachem.
- Allô (qui en hébreu signifie Ha-lo, Celui qui n'et pas !) Sarah ? Ca va ?
- Oui et toi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
Il n'y a pas dans cette discussion simple et anodine, de reconnaissance d'Hachem. Où se trouve le Barouh' Hachem ?
- Chalom (Un des Noms Divins) Sarah ? Ca va ?
- Barouh' Hachem et toi ?
Ce Barouh' Hachem ne vient pas tranché avec la réalité subjective que nous éprouvons, qui désigne le oui ou non, mais s'en remet au Créateur de toute chose qui est Source de Bien et qui Fait le Bien. Encore une notion à travailler… La pudeur des mots. Encore faut-il ne pas se fourvoyer, et croire vainement que le phrasé et l'intellectualisation des mots soient la clef. Bien au contraire. Souvent, la littérature fait référence à l'impureté, voire l'idolâtrie. Les flatteries ou moqueries en sont un exemple foudroyant.
3. la gentillesse des mots.
Lors d'un dernier voyage en France, on s'aperçut de la tension ambiante par le biais de la communication. Avant tout, le mal du siècle ce n'est pas le divorce ou le non mariage, ni l'absence de communication. C'est en fait l'irresponsabilité collective et individuelle de la parole. Quel est l'objectif de la parole et qu'en dois-je en faire ?
Combien de famille serait ressoudée si l'amertume s'était effacée, si on pardonnait complètement les rancunes tout en réparant ce qui a été défait ? Combien de couples sauvés grâce à un dibour gentil et simple, en faisant attention de ne pas choquer même énervé ? Pour signifier à l'autre notre rage intérieure, ou notre simple mécontentement, on utilise des mots choquants, cinglants. Là se trouve l'échec. Ne pas pouvoir exprimer notre désaccord facilement mais en temps et en heure, et surtout avec des mots gentils et … choisis.
Parler, c'est représenter Hachem qui se trouve en chacun d'entre nous. Salir sa bouche, c'est salir son âme. La parole est une action physique et spirituelle. On doit apprendre à agir et réagir, non au grés des circonstances, mais d'après un code d'éthique et une solution harmonieuse pour transporter le dibour (parole) à son authentique rôle : servir Hachem par la Torah.